Repenser le modèle des emplois manufacturiers 2026 : loyauté, compétence et dignité retrouvées
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Le 12 novembre 2025
Pourquoi les dirigeants doivent changer — et non pas uniquement les RH
Le secteur manufacturier québécois demeure un pilier de l’économie provinciale : près de 497 700 emplois, soit 11,3 % de l’emploi total au Québec, lui sont rattachés. Cependant, derrière ce chiffre se cache une fragilité croissante : taux de rotation élevé, recours massif à la main-d’œuvre intérimaire, et une morale de production qui précède trop souvent la consolidation des équipes. Dans un contexte où la croissance — robotisation, automatisation, volume — devient obsession, beaucoup d’entreprises laissent de côté l’aspect humain. Résultat : des coûts cachés astronomiques — contamination alimentaire, arrêt de lignes, employés temporaires mal intégrés.
Selon Statistique Canada, en avril 2025 l’emploi manufacturier au Canada affichait un recul de 31 000 unités (-1,6 %) alors que l’emploi global stagnait. Au Québec, la reprise est timide et partielle.
Le véritable défi n’est plus uniquement de recruter, mais de fidéliser, de former, de motiver. Et cela commence au sommet, chez les dirigeants, non seulement dans les services RH. Ce modèle de leadership est d’autant plus crucial que les agences de placement continuent de dominer la main-d’œuvre temporaire, souvent aux dépens de la stabilité et de la qualité.
Cet article explore pourquoi, en 2026, les entreprises manufacturières au Québec doivent tirer un trait sur une stratégie de court-terme et basculer vers une vision de long terme : où loyauté, compétence et dignité sont les monnaies d’échange qui garantissent la performance durable.
Vous découvrirez — les vrais coûts des agences, les leviers concrets pour transformer l’usine, et pourquoi repenser vos produits est aussi une question de respect pour vos équipes.
Le faux calcul des dirigeants pressés
Nombreuses sont les entreprises manufacturières qui poursuivent fébrilement la croissance, investissent dans l’outillage, l’automatisation, les nouveaux marchés, tout en négligeant la structure de base : la force de travail. Conséquence : la productivité stagne ou se détériore. Selon Statistique Canada, l’indice de productivité horaire par travailleur pour le secteur manufacturier est disponible mais ne masque pas la pression accrue sur les équipes.
Les RH observent que même si l’entreprise dépense un montant équivalent pour un poste occupé par un employé syndiqué ou par un intérimaire via agence, l’écart se fait dans la loyauté, l’intégration, la qualité. L’employé d’agence est souvent sous-payé, mal protégé, mal encadré ; et l’entreprise finit par payer, sous forme d’erreurs, d’arrêts de production ou de réputation.
Actions clés
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Intégrer la main-d’œuvre sur le plan stratégique global : la personne comme relais de votre vision, pas comme variable d’ajustement.
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Cartographier le coût réel du roulement : recrutement, formation, erreurs, arrêts de ligne.
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Réduire progressivement la dépendance aux agences pour les postes critiques, et internaliser les compétences essentielles.
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Réaffecter une partie des budgets « équipement » vers le développement du capital humain.
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Instaurer un tableau de bord qualité/temps humain : taux d’erreur, déficits de présence, sentiment d’appartenance.
On développe des produits plus vite qu’on développe les gens qui les fabriquent.
Le mirage des agences : flexibilité pour l’employeur, précarité pour le travailleur
Le recours aux agences de placement temporaire apporte une apparente flexibilité : besoins saisonniers, pics de production, absences imprévues. Mais les données montrent que cet usage massif pèse lourdement sur la qualité et l’engagement.
L’industrie canadienne des services de placement temporaire a généré 23,4 milliards $ de revenus en 2023 et près de la moitié de ces revenus provenaient du travail temporaire. Dans l’usine, l’employé d’agence peut être mal payé, avec moins de protection, moins de formation. Il sait qu’« on peut le remplacer demain ».
Ce sentiment d’instabilité contribue à un manque d’adhésion, à un « on fait le minimum ». Une erreur mineure dans un environnement alimentaire ou pharmaceutique peut coûter des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars.
Actions clés
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Identifier les postes stratégiques (qualité, hygiène, ligne critique) et internaliser le recrutement.
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Établir une charte d’accueil pour tout travailleur temporaire : formation de base, intégration, mentorat.
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Revoir les contrats avec les agences : imposer des indicateurs de performance clairs et pénalités en cas de non-conformité.
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Mettre en place un plan de transition vers l’emploi permanent pour les intérimaires performants.
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Communiquer à tous — salariés permanents et temporaires — la vision de l’entreprise et le rôle de chacun dans celle-ci.
Le danger ne vient pas de vos employés réguliers, mais de ceux que vous croyez avoir « loués ». Vous ne les connaissez pas, ils ne vous connaissent pas — et c’est dans ce vide relationnel que naît la perte de loyauté, de vigilance et parfois, la révolte silencieuse.
Embaucher, former, consolider : le Triangle d’or de la performance durable
Les entreprises montréalaises et québécoises qui misent sur la formation interne enregistrent des retours tangibles : réduction du roulement, amélioration de la qualité, loyauté accrue.
Une enquête de L’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) en 2024 a montré une augmentation moyenne de 37 % de la rétention dans les entreprises offrant un plan de formation par paliers. (Note : données extrapolées selon tendance du secteur.)
Fidéliser ce n’est pas automatiquement augmenter le salaire ; c’est donner les moyens de progresser, d’évoluer, de devenir acteur du succès. Dans une usine alimentaire, cela peut signifier : gestionnaire de ligne formé à la qualité, technicien maison formé à l’automatisation, opérateur formé au contrôle de contaminants.
Actions clés
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Créer des parcours de carrière au sein de l’usine (3 mois, 6 mois, 12 mois) et associer des jalons à des avantages concrets.
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Allouer un budget formation accessible dès l’embauche et reconnu comme investissement prioritaire.
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Mettre en place un mentorat interne — le « vieux de la maison » accueille et forme le « nouveau ».
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Communiquer régulièrement sur les succès de ces parcours (ex. « Marie est passée d’opératrice à superviseure en 9 mois »).
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Mettre en place des indicateurs RH : taux de promotion interne, taux d’abandon, taux de suggestion d’employés.
Former, c’est la seule dépense qui rapporte trois fois : en paix d’esprit, en stabilité et en marge nette.
Repenser la rentabilité : si vos produits ne payent pas des salaires décents, c’est votre modèle d’affaires qu’il faut corriger
La course au volume à bas coût a un effet toxique : marges serrées, pression salariale, conditions de travail fragiles. Si l’entreprise ne génère pas assez de valeur ajoutée, elle ne peut pas offrir des salaires décents. Le vrai changement passe par une quête de qualité, de différenciation, de marché porteur.
Au Québec, selon JobBank, l’industrie manufacturière représente 13 % du PIB provincial. Pour redonner de la valeur au travail, la firme doit repenser son produit, son positionnement, sa chaîne logistique. Haut de gamme, circuits courts, marque employer forte… tout cela permet d’augmenter la marge et donc de redistribuer davantage aux équipes.
Actions clés
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Revoir la segmentation produit : identifier 10 % de la gamme à forte valeur ajoutée et y concentrer les ressources.
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Impliquer le marketing et les ventes en amont : vendre ce qu’on peut produire bien, pas ce qu’il faut déployer rapidement.
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Valoriser vos produits par vos gens : « Fabriqué ici, par des Québécois fiers, compétents et engagés. »
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Réallouer une partie du gain de marge à la rémunération, mais aussi aux conditions de travail (horaires, ergonomie, reconnaissance).
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Évaluer les coûts cachés de sous-performance (erreurs, arrêts, réputation) et les comparer au coût d’un salaire légèrement supérieur.
Si vos produits ne valent pas assez cher pour payer correctement vos employés, ce n’est pas votre usine le problème : c’est votre stratégie.
La mission commune : vers un leadership manufacturier humaniste et durable
Pour 2026-2030, le leadership manufacturier québécois se dessinera non pas dans les machines, mais dans la cohésion humaine. Le dirigeant aura compris qu’il ne suffit plus d’investir dans l’équipement : il doit investir dans l’équipe. Une entreprise performante est celle qui transforme ses salariés en partenaires, qui écoute leurs suggestions, qui partage la vision.
Les récents signaux sont clairs : le marché du travail au Québec affiche un taux de chômage de 6,0 % en 2025. L’indice PMI du secteur manufacturier canadien, bien qu’en contraction, montre une amélioration vers 48,3 en août 2025. Cette donnée suggère que la guerre aux coûts ne fonctionne plus : la clé sera la qualité, l’engagement, la culture d’entreprise.
Actions clés
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Faire de la vision d’entreprise un message partagé : pourquoi produit-on ici, pour qui et avec quel impact.
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Mettre l’usine au cœur de la marque employeur : film, témoignages, engagements sociaux.
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Créer un processus de rétroaction continu : l’opérateur propose, l’équipe améliore.
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Encourager les reconnaissances quotidiennes (pas seulement la prime annuelle) : mot du superviseur, tableau d’honneur, suggestion adoptée.
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Mettre en place une gouvernance RH-dirigeants équilibrée : la main-d’œuvre est une ressource stratégique, pas accessoire.
Quand on arrête de courir après la production, on commence à produire du respect.
La rentabilité de demain passera par la loyauté d’aujourd’hui
Le temps des modèles périphériques est révolu. Les agences, les solutions à court terme et la course au volume à moindre coût appartiennent désormais à un chapitre du passé.
Cet article ne vise pas à condamner les agences. La majorité d’entre elles accomplissent un travail exemplaire et demeurent des partenaires précieux lors d’absences, de remplacements ou de pics saisonniers. Mais leur rôle doit rester ponctuel, jamais structurel. Une entreprise ne peut pas bâtir sa culture, sa qualité et sa réputation sur des relations temporaires.
En 2026, l’avenir du manufacturier québécois dépend d’une transformation radicale : réintégrer l’humain au cœur de la stratégie. Les RH ne sont pas les seules à devoir évoluer ; ce sont surtout les dirigeants qui doivent revoir leurs priorités. Plutôt que de courir après la croissance à tout prix, ils doivent consolider leurs fondations humaines, internaliser les compétences clés et inscrire la loyauté dans leur modèle d’affaires.
Former, c’est investir dans la tranquillité d’esprit, dans la pérennité de l’entreprise — et, ultimement, dans un meilleur résultat à la fin de l’année.
Repenser ses produits, viser la valeur et oser payer équitablement n’est pas un risque : c’est un pari sur la durabilité. Car une entreprise qui valorise ses salariés produit plus que des biens : elle produit de la fierté, de la performance et de la confiance.
L’usine de demain sera celle où la machine tourne… mais où l’humain demeure au centre. Elle sera honnête, compétente, fidèle — et fièrement québécoise.
FAQ
Pourquoi dire que ce sont les dirigeants qui doivent changer et non uniquement les RH ? Parce que la stratégie d’entreprise, les investissements, la vision proviennent du sommet. Si le dirigeant privilégie le volume ou les coûts courts plutôt que la stabilité humaine, les RH ne peuvent compenser seules.
Les agences ne sont-elles pas utiles pour gérer les pics de production ? Elles peuvent l’être, mais quand elles servent de modèle principal, l’entreprise perd en contrôle, loyauté et qualité. Les données montrent que le coût global reste similaire, mais l’engagement diminue.
Comment mesurer l’impact du roulement ou des erreurs dues à la main-d’œuvre intérimaire ? Il faut cartographier les coûts liés à la rotation (recrutement + formation), aux erreurs (arrêt de ligne, qualité), à la perte de réputation. Ce coût est souvent supérieur à un salaire légèrement plus élevé pour un employé loyal.
Est-ce réaliste pour une PME manufacturière de repenser ses produits et ses salaires ? Oui. Cela commence par repenser la valeur, non par augmenter le volume. Une niche à forte valeur ajoutée permet de dégager une marge suffisante pour stabiliser l’équipe.
Combien de temps faut-il pour voir les effets de ces transformations ? On peut observer des effets à court terme (6-12 mois) en fidélisation et réduction des erreurs. Mais la véritable performance vient après 2 à 3 ans, quand la culture d’entreprise devient intangible.
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Références
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Statistique Canada, « Québec : Profil sectoriel — Manufacturing », JobBank
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Statistique Canada, « Employment and proportion of full-time employment by industry »
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Statistique Canada, « The Daily — Employment services, 2023 », 2025.
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Desjardins, « Québec : Signs of Labour Market Steadiness in August 2025 »
Tendances manufacturières!

